Mémoire du Village
L’histoire de Besonrieux se confond avec celle de Familleureux dont elle était un hameau. La fusion des communes en 1977 a déchiré ce village divisé en deux ; ce hameau fait maintenant partie de l’entité de La Louvière.

On dit que de parler de son village c’est comme une tentation. Bien qu’il ne soit qu’un petit hameau, les anciens habitants de Besonrieux (Bzonri) peuvent franchement dire que ce coin champêtre était très bien connu autrefois dans la région du centre pour son lieu-dit La Petite Suisse. Endroit plein de charme. Pour beaucoup de citadins des régions avoisinantes, tel le bois de Haine, La Louvière (la Croyère, le bois de Saint-Vaast), c’était un des plaisirs de ce temps-là de faire une promenade agréable en longeant les rives du canal et de se rendre au départ de la Croyère en longeant la rive du canal après avoir passé sur un des deux ponts-levis et de rejoindre le pont du Grand Sartiaux en direction de la Petite Suisse. On ne pouvait résister à la tentation du chemin de halage, l’attrait du canal tenait des éléments présents : l’eau et les arbres.

Les plus âgés se souviennent encore de ce relief accidenté qui était constitué d’un bosquet. On pouvait voir une petite vallée formée par de hauts talus, sur les crêtes de ceux-ci, des rangées d’arbres et taillis, il y avait aussi ce chemin de cendre et de cailloux bordé d’une haie de chaque côté qui nous portait au gré de nos pas vers le pont de la Petite Suisse, de son vrai nom, le pont du Petit Sartiaux.

De ce chemin, on pouvait voir les dépendances d’une grande ferme construite par Les Moines au XVe siècle et dépendant de l’abbaye d’Aulne, elle fut incendiée et en partie démolie en 1870. Il ne restait que les écuries et les dépendances ; elle a subsisté jusque 1959 et a par la suite disparu pour la construction du nouveau canal.

Tout le monde connaissait la Petite Suisse maison blanche face au bois et entourée çà et là d’arbres touffus et de son parc, elle était le lieu de rendez-vous des promeneurs. Des enfants et des amoureux. Dans ce parc (Guingette), c’était le bonheur des enfants : il y avait des balançoires pour les plus grands et un tourniquet que l’on devait pousser et des petites balançoires pour les petits. Il y avait aussi une buvette avec des boissons pour se désaltérer, des tables et des chaises pour profiter de faire un petit pique-nique, une piste de danse avec de la musique qui vous invitait à la danse au son de l’accordéon. Il y avait aussi un jeu de bouloir et un bowling. Tous pouvaient profiter de ce charme de la campagne et passer une agréable journée.

De ce parc, on pouvait aussi admirer les péniches passant, tirées sur les berges par un tracteur, jadis halé à la main, ensuite par des chevaux ou des ânes et plus tard par des tracteurs. Les haleurs et leurs chevaux étaient omniprésents le long des voies navigables. Les hommes (femmes) et (enfants) chevaux et ânes halaient les péniches le long des berges du canal avec des câbles sangles et gaffes. Les câbles utilisés pour ces halages étaient très longs ; très souvent, ils venaient frotter contre les ouvrages longeant le Canal. La base des ponts était construite en pierre bleue très résistante ; ces câbles de halages ont laissé des traces profondes dans la pierre de la culée des ponts. Et les temps modernes nous ont amené les bateaux à moteur.

Hélas, le temps passe… Le vieux canal a laissé sa place à la modernisation. Avec le nouveau canal tout a bien changé : l’attrait touristique de ce lieu n’a plus lieu d’être depuis ces temps champêtres, les berges ont été déboisées, la Petite Suisse n’est plus qu’un simple lieu-dit abandonné, si ce n’est le nom. Le Parc a fermé ses portes. Cette propriété a été vendue. Le bâtiment a été démoli quelque temps après. Il reste ce grand saule pleureur avec un tronc énorme, un marronnier et un orme de belle taille, ce domaine est maintenant privé. Divers aménagements y ont été faits, cela est devenu une très belle propriété.

De cet endroit pittoresque, tout le paysage a été bouleversé, ce chemin est sans issue, il ne reste que ce vieux pont abandonné de tous, il disparaît sous cette végétation envahissante et sauvage.
Adieu endroit idyllique. Nul ne peut plus te reconnaître, tous ces paysages de verdure, ce bosquet, cette vallée, ce canal paisible ne sont plus que souvenirs pour une génération qui disparaît peu à peu.
La jeunesse d’aujourd’hui ignore cet endroit, les mœurs ont changé, il y a beaucoup plus de loisirs et de distractions qui font partie de leur génération.
Le béton a envahi le paysage, le pont autoroutier d’un côté, le nouveau pont enjambant le canal, le chemin de Besonrieux vers la Croyère de l’autre. Ce chemin a été détourné, la circulation ne passe plus en face de ce lieu qui avait fait la joie de beaucoup d’entre nous. Mais nous devons suivre le progrès, qui est bien triste pour notre génération : ce beau temps est passé, jamais plus nous ne le reverrons.
DELENS Jean, auteur et grand amateur du patrimoine local.
